Suivre la voie de la nature, c’est comprendre que tout est en changement et transformation incessants. C’est écouter (écouter, percevoir… le point essentiel !), s’adapter, sortir du cycle des comparaisons (chaque chose a sa place, sa fonction). C’est cesser de contrôler mais s’adapter. C’est aussi comprendre que chacun est de la nourriture pour quelqu’un (quelque chose) d’autre, que tout se passe comme un immense processus de digestion. C’est ainsi reconnaître sa place dans ce grand cycle.
L’Homme n’est pas au-dessus de ce cycle. Il y est intégré. Sa tâche est de prendre conscience de sa place, pour sa croissance, son bonheur, et pour ne pas créer le désordre.
L’Homme, dominé par son néocortex, a dans sa grande majorité utilisé une stratégie différente : connaître les lois de la nature pour la contrôler, la dominer, l’endiguer, la soumettre et en tirer ainsi le maximum de profit pour lui-même. L’Homme a ainsi quitté sa place et créé une position et une activité qui vont à l’encontre des lois de la nature.
Alors, naturellement la nature a une réponse. Ce n’est pas une réaction d’humeur. C’est sa réponse naturelle aux sollicitations humaines. Elle n’a pas d’autre choix. Et cette réponse déstabilise l’environnement humain, rend cet environnement de moins en moins vivable pour l’humain lui-même.
C’est à ce moment de danger pour l’humanité (sa survie, son bien-être…) que l’humain peut commencer à regarder : ce qui se passe dans la nature ; ce qu’il fait ; la relation entre ce qu’il fait et ce qui se passe ; les pensées/croyances/espérances qui sont à la base de ses actions… Il peut ainsi voir ses mécanismes psychologiques, ses peurs, ses interrogations sans réponse, ses stratégies pour éloigner ses peurs, etc.
Y a-t-il une similarité entre ses dynamiques internes et ses actions sur le monde extérieur ? Évidemment oui !
Comment pouvons-nous nous reconnecter à cette voie de la nature ? Qu’avons-nous à apprendre de la contemplation de la nature ? Apprendre sur nous-même.
Qu’est-ce que la contemplation de la nature ? Si ce n’est pas cette observation depuis le mental et cette qualification émotionnelle de la beauté. Car en faisant cela, nous mettons la nature dans notre système. Nous ne changeons rien à nous-même et restons frustré, insatisfait, voire angoissé.
Dans le qi gong, nous ne contemplons pas de cette façon. Nous portons attention au corps afin qu’il se mette en harmonie avec les lois de la nature. Nous travaillons dur pour cela. Notre attention est focalisée sur les mouvements et les consignes internes. Nous mettons en œuvre cette activité qui vise à lâcher ce que nous tenons pour revenir dans la fluidité naturelle du corps animé par le souffle de vie.
Ainsi, ce n’est pas une contemplation sans objet (en tous cas dans la majeure partie des pratiques taoïstes). C’est un travail sur le corps, avec le corps. Un travail pour quitter le corps d’habitudes et construire (ou plutôt laisser émerger) un autre corps, plus vivant, plus libre car plus en phase avec le chemin naturel de la vie. Libre car soumis au Tao (« est souverain celui qui est soumis aux lois du Ciel-Terre » dit la tradition).
Lorsqu’on prend une nouvelle consigne pour la mettre en œuvre, on le fait d’abord avec le mental. Pour revenir dans le corps, il faut s’approprier l’exercice, le faire seul, être soi-même pour un temps son propre guide. Formuler la consigne, descendre dans le corps, le détendre, le laisser faire la consigne, au mieux. Répéter. Garder l’attention sur le corps. Garder l’intention du mouvement, de la consigne. Ne pas faire les gestes automatiquement (ou disons le moins automatiquement possible).
Pas de parole. Juste une intention, une attention, de la répétition, de la détente (dans le corps, dans l’intention, dans l’attention).
Petit à petit le corps nous parle. Si nous ne commentons pas mais simplement répétons avec vigilance et détente, dans l’attention et l’intention, alors à coup sûr le corps nous parle. Il s’exprime, s’expanse, dit sa vastitude mais aussi ses blocages, ses empêchements, les douleurs qu’il porte, les émotions…
Et nous avons la sensation qu’il dit vrai. Vrai dans ses blocages et ses douleurs, mais vrai surtout dans sa vie, son espace sans fin, son parfum de réalité.
Cela me semble être la contemplation. Une contemplation qui naît du fond du corps parce que nous avons travaillé (avec persévérance) à lâcher ce que nous tenons inutilement en lui, ces crispations accumulées au fil du temps dans notre lutte pour la survie de ce que nous avons pris l’habitude de considérer comme étant nous.
Ici, donc, pas de considération mentale sur nos croyances et nos identifications. Plutôt une lutte au corps à corps, une lutte au ralenti vers toujours plus de relâcher de ne-plus-tenir. Une lutte car le corps d’habitudes résiste et veut garder son pouvoir. Mais une lutte sans force (la force est le pouvoir du corps d’habitudes).
L’esprit est concentré sur le corps. Il n’a pas le temps pour les commentaires. Il est absorbé par le mouvement, la consigne. C’est la méditation, la contemplation.
La contemplation émerge de cet effort, de cette lutte. Elle est offerte en cadeau sans que nous n’ayons rien décidé, sans que nous ayons eu l’intention de la contemplation. Elle émerge du fond du corps comme sa nature essentielle, sa respiration la plus profonde.
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