07 80 07 08 20 qigong@voldelaigle.com
La symbolique du Souverain éclaire particulièrement bien le propos des pratiques taoïstes comme le qi gong ou le tai chi chuan.
Dans l’idéogramme du Souverain, on voit 2 traits horizontaux, symbolisant respectivement le Ciel et la Terre, reliés par un trait vertical. Au milieu de ce dernier, un petit trait horizontal, marquant le centre de l’idéogramme. C’est à cette place centrale que se trouve le Souverain. On nomme aussi cet idéogramme « La place du cœur ».
La fonction du Souverain, à la place du cœur, de notre cœur spirituel, est d’être le réceptacle du mariage entre le Ciel et la Terre. Nourri et façonné par cette interaction Ciel-Terre, il en est aussi le serviteur : ses actions sont sous la direction du Ciel-Terre et ont pour propos d’en incarner ses lois.
Ainsi le Souverain est un serviteur. Plus que ça : est Souverain celui qui accepte cette place centrale de serviteur, dont la volonté n’est pas détachée des lois du Ciel-Terre, dont la puissance n’est autre que celle octroyée par le Ciel-Terre et n’a pas d’existence autonome. Osons faire un pas de plus : la liberté intérieure, celle du cœur, est à l’aune de cette capacité à assumer cette place de serviteur.
On peut aussi utiliser le symbole de la lemniscate pour mieux comprendre ce qui se joue ici : la lemniscate exprime la dynamique d’interaction, d’interpénétration entre deux pôles, ici le Ciel et la Terre. Le point immobile au centre de la lemniscate est ce qui permet cette dynamique. Pour que cela se produise, il est nécessaire que le centre soit vide, comme le moyeu d’une roue est vide pour recevoir l’axe. Le centre est ainsi ce point vide et immobile autour duquel s’organise le mouvement. Le centre est cette immobilité et ce vide garants du mouvement.
Le propos fondamental du qi gong, comme de différentes pratiques énergétiques internes de la tradition chinoise, est de rendre vivants le Souverain et cette place du cœur. Ou, ce qui revient au même, rendre opérant en soi ce Vide Central. Dans cette perspective, Vide et Vie sont, sinon synonymes, du moins de la même essence : notre qualité d’être vivant relié au cosmos est indissociable de ce Vide Central.
Cultiver l’énergie du corps, c’est permettre à l’humain d’être à cette place centrale du Souverain qui se soumet au Ciel-Terre, non à tenter de le contrôler. Cultiver l’énergie du corps, c’est laisser advenir, pas à pas, cette qualité de vide qui permet l’incarnation et la manifestation du Ciel-Terre en soi.
Cette vision est à l’opposé de ce que conçoit habituellement notre mental. Pour ce dernier, est souverain celui qui dirige sa vie : j’irai mieux, je souffrirai moins et serai plus libre si je conquiers cette capacité et ce pouvoir nécessaires à diriger ma vie, à cesser d’être balloté par les évènements, etc. Pour ce qui est du qi gong, j’acquerrai ce pouvoir en augmentant mon énergie. C’est un réflexe de survie naturel de notre mental, qui gouverne souvent sans que nous en ayant conscience.
L’accès au Vide Central évoque davantage le dépouillement et l’abandon que le gain : il n’est pas la possession d’un trésor mais davantage la dépossession de ce qui entrave le chemin vers ce Vide, que par essence nous ne pouvons posséder. Et le chemin vers ce Vide ne peut se résumer à un ensemble de méthodes que nous appliquerions (même si celles-ci sont le socle nécessaire), ainsi que notre mental adore le concevoir. Il nous implique personnellement dans 

ce que nous sommes et dans ce que nous aurons à abandonner de ce que nous croyons être.
Mais lorsque nous débutons le qi gong nous sommes légitimement bien loin de ces préoccupations : nous faisons d’abord l’expérience que ça nous plaît et nous fait du bien, ce qui est magnifique en soi ! C’est en approfondissant la pratique que les dynamiques et les enjeux de celle-ci peuvent apparaître de façon très concrète, dans la réalisation des mouvements, sans que soit nécessaire une élaboration théorique.
Néanmoins, il me semble utile de poser ce contexte, car il résonne avec une connaissance innée que nous avons tous : celle d’un état d’union présent en potentiel et que nous souhaitons éveiller. Et dans l’innocence de notre pratique de « débutant », cet état peut jaillir presque spontanément et nous réjouir au plus profond.
Il faudra ensuite beaucoup de pratique pour l’incarner réellement dans notre vie et qu’il opère des transformations durables.
A suivre…